Depuis la capitulation de la guerre de 2020, la perte de l’Artsakh en 2023, Nigol Pashinyan mène des campagnes politiques pour décorréler tout ce qui ne serait pas en lien direct avec la République d’Arménie.
L’histoire, la mémoire, le génocide, les territoires historiques arméniens, l’Artsakh, la Cause Arménienne… sont les cibles d’un discours qui visent à les dénier ou à les sortir du récit national.
Le symbole le plus marquant de cette politique est la suppression du Mont Ararat des tampons de la douane arménienne. Autant cette suppression démontre une soumission, avérée si c’est une demande turque ou mentale si une initiative arménienne ; autant la contre-réaction négative démontre, elle, un fétichisme qui ne va pas plus loin que le symbolisme.
Le mont Ararat n’est pas qu’une représentation symbolique sur un tableau accroché au mur ou un tampon. C’est le point culminant d’un territoire qui porte en lui les germes d’une renaissance de nouvelles communautés arméniennes, laissées en friche depuis 1915.
Des Arméniens de l’autre côté de l’Ararat
De l’autre côté de l’Ararat, en Turquie, un phénomène de résurgence de l’identité arménienne est apparu au travers des cryptos-Arméniens (islamisés, alévisés, Hamchènes…), les « restes de l’épée » comme on les surnomme en Turquie.
Certains de ces Arméniens s’organisent en créant des associations à Diyarbakir, Mouch, Kharpet, Istanbul, au Dersim, en pays Hamchène…
Déconnexion du monde arménien
Il existe très peu de contacts entre ces « nouveaux » Arméniens de Turquie et le monde arménien. La proximité de l’Arménie permet d’avoir de rares échanges, via le tourisme.
Des micro-communautés arméniennes se reconstituent en Arménie historique, mais, la Diaspora, détentrice de cette identité, de cette culture, de cette langue de l’Arménie Occidentale, ou, pour certains de revendications politiques ou territoriales, hormis à de très rares exceptions, n’a quasiment établi aucunes passerelles avec ces « nouveaux » Arméniens.
Pourtant, ces Arméniens qui reviennent à leurs racines sont une chance inestimable pour pouvoir faire renaître l’Arménité sur les scènes de crimes de 1915. Ils peuvent être un formidable vecteur d’échange avec les sociétés turques et kurdes sur les réalités des faits historiques et mémoriels arméniens.
Diyarbakir, le laboratoire
À Diyarbakir, la re-consécration de l’église Sourp Guiragos, en novembre 2011, a permis à nombre de ces Arméniens de se redécouvrir, par la réinscription d’un lieu arménien dans le quartier historique de Sür. Là où elle n’existait plus depuis le début des années 1980, une nouvelle communauté arménienne s’est recréée autour de cette église.
Cette communauté émergente s’est lancée, récemment, dans la reconstruction d’une seconde église, Sourp Sarkis. Avant qu’elle ne tombe en ruine, ils ont décidé d’inscrire un second lieu appartenant aux Arméniens dans la vieille ville de Diyarbakir.
Diyarbakir, 17 ans de collaboration
La première rencontre de notre ONG YERKIR avec la municipalité pro-Kurde de Diyarbakir (1,7 million d’habitants) date de février 2008. Depuis, nous avons pu réaliser nombre de projets en partenariat avec la mairie : Des résidences entre des musiciens d’Arménie et le conservatoire municipal, des voyages de délégations de la mairie de Diyarbakir à Erevan, une commémoration du génocide des Arméniens le 24 avril 2014, des concerts arméniens…
En octobre 2016, notre ONG YERKIR devait signer une convention avec le service culturel de la municipalité pour organiser une programmation arménienne annuel dans le cadre du nouveau centre culturel. Malheureusement, les co-maires pro-Kurdes de Diyarbakir, ont été arrêtés en novembre 2016 et remplacé par des administrateurs de l’État turc, et ce, jusqu’en 2024. Les dernières élections municipales n’ayant pas été remis en cause, les co-maires pro-Kurdes élus sont toujours en place.
Suite à ces arrestations et aux contextes politiques turcs, tenant compte des contraintes et tensions, nous avons dû nous adapter. C’est ainsi qu’est né, en 2020, le projet du groupe MiASiN !, réunissant des musiciennes françaises, arméniennes et turques, qui nous a permis de travailler en Anatolie sur les Identités et leurs Droits Culturels.
Projets pilotes à Diyarbakir
Début novembre dernier, une délégation de notre ONG YERKIR a rencontré le co-maire de Diyarbakir, Dogan Hatun, les directrices des services culturel et international de la municipalité ainsi que les responsables de l’église Sourp Guiragos.
Il a été convenu que nous organiserions à Diyarbakir, à l’été prochain, des ateliers de danses, de chants, de contes, d’écritures, d’artisanats… arméniens.
Le but étant de supporter et d’apporter du patrimoine culturel immatériel arménien à cette nouvelle communauté arménienne, mais aussi de la diffuser auprès de toute la population de Diyarbakir.
Pour toucher les nouvelles générations, un projet de résidence de créations sur les musiques traditionnelles locales et arméniennes couplées à la musique électronique, entre des artistes arméniens et de Diyarbakir sera organisé. Cette résidence sera ponctuée de concerts à Diyarbakir mais aussi devant le Mont Ararat, côté turc.
Une tournée de conférences sera organisée, courant 2026, en France, en Belgique et en Suisse avec de responsables de l’église Sourp Guiragos et un chanteur arménien de Diyarbakir.
Retour au Pays
Les Arméniens de la Diaspora ont un rôle à jouer en Turquie. Issus de ces territoires, ils doivent se mobiliser et aller à la rencontre de ces Arméniens derrière l’Ararat pour les soutenir dans leurs quêtes d’Arménité.
Les pertes territoriales à la suite de la « guerre des 44 jours », l’émigration et le déclin démographique de l’Arménie, l’assimilation et l’acculturation en diaspora réduisent de toutes parts l’espace arménien.
Ces « nouveaux » Arméniens sont une chance inestimable pour pouvoir faire renaître des communautés arméniennes sur leurs terres ancestrales.
AIDEZ-NOUS DANS LA RÉALISATION DE CES PROJETS EN NOUS SOUTENANT
TÉMOIGNAGES D’ARMÉNIENS
de DIYARBAKIR, du DERSIM, de KHARPET, du HAMCHÈNE