L’absence de mention de réparation dans les résolutions et les lois adoptées par différents parlements reconnaissant le Génocide arménien a créé une impression erronée selon laquelle la seule revendication arménienne vis-à-vis de la Turquie est la reconnaissance du Génocide, ce qui est tout à fait faux.
En tentant une confrontation, toute autorité politique devra démolir le mur de ciment qu’elle avait construit de ses propres mains. La confrontation et la demande de pardon ne peuvent avoir lieu que par la suite.
Jennifer Manoukian rappelle ici la longue relation que les Arméniens ont entretenue avec la langue turque. Une relation de quatre siècles et qui, contrairement aux idées reçues, perdure - inconsciemment ou pas - au sein des descendants des premières générations de la diaspora arménienne établies aux quatre coins du monde. Selon la traductrice et universitaire, essayer d'éliminer toutes traces du turc dans la langue arménienne pratiquée au quotidien reviendrait à ignorer une part de l'histoire du peuple arménien.
Les termes « turc », « race turque » ou « nation turque » que nous utilisons aujourd’hui sont donc le fruit d’un processus de « construction » particulièrement complexe, débuté il y a des siècles et qui s’est poursuivi jusqu’à nos jours. Il y a, de plus, des signaux forts qui attestent que ce processus est toujours en cours. Affirmer qu’une identité construite est supérieure à d’autres identités probablement tout aussi construites atteste, au mieux, d’un manque de conscience historique. Il est alors utile de prendre une profonde inspiration et de se remémorer cet historique quand nous bombons le torse au slogan « Heureux qui se dit Turc ».