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Sortir des pensées magiques arméniennes

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La défaite de la « guerre des 44 jours », de 2020, a mis en exergue toutes les erreurs stratégiques de ces trente dernières années. Les Arméniens se sont laissé enfermer dans des « pensées magiques » faisant du cessez-le-feu de 1994 une victoire de la guerre du Karabagh ; de la reconnaissance internationale du génocide une protection contre de nouvelles visées du panturquisme ; du statuquo du conflit du Karabagh une reconnaissance de facto de l’Artsakh ; de l’Alliance militaire avec la Russie une garantie de sécurité…

Les Arméniens ont gâché les 26 ans où ils ont eu la main sur leur destin et sur la résolution du conflit du Karabagh. Les conséquences sont aujourd’hui désastreuses, pertes territoriales, dépeuplement, déclassement de l’Arménie, assimilation en diaspora, réduisent de toute part l’espace arménien.

Ils ont gâché le présent pour un passé qui n’a pas eu d’avenir

Au lieu de privilégier, des projets structurants favorisant le développement et la sécurité de l’Arménie et de l’Artsakh, la diaspora s’est laissé enfermer par les biais de ses structures dans une identité mémorielle basée sur la victimisation du génocide. La surexploitation de cette seule thématique a déconnecté les Arméniens du réel, de la Realpolitik, mais surtout des territoires arméniens.

D’ailleurs, la question de l’Artsakh comme les blocus turcs contre l’Arménie n’ont jamais été intégré à cette stratégie diasporique de reconnaissance internationale du génocide alors qu’il y avait là une continuité du panturquisme de 1915. Cette stratégie est un échec complet car elle n’a nullement protégé l’Artsakh et l’Arménie de l’agression panturque de 2020 et de ses conséquences actuelles. Pendant vingt ans (une génération !!), ils ont gâché le présent des Arméniens pour un passé qui n’a pas eu d’avenir.

Dans ce marasme, il existe pourtant des marges de manœuvre pour reprendre pied dans des territoires inattendus. Au travers des populations crypto-arménienne en Turquie (« islamisé, alévisé, kurdifié ou turquifié »), il existe une possibilité de faire renaitre l’identité arménienne sur son territoire originel.

Depuis la capitulation de Nigol Pashinyan du 9 novembre 2020, vue l’état de délitement des différentes composantes du monde arménien, évoquer la réimplantation de l’identité arménienne en Turquie et l’organisation des crypto-Arméniens peut paraître incongru. Mais n’est-il pas temps de sortir des « pensées magiques » qui ont conduit l’Arménie et la diaspora dans l’impasse où elles se trouvent actuellement ?

Faire renaitre l’identité arménienne en Arménie Occidentale

Pour sortir de l’ornière, il faut recréer des espaces de réflexion qui puissent faciliter l’émergence de nouveaux projets politiques et de sociétés. Il faut tisser des liens concrets et en adéquation entre une identité arménienne transnationale renouvelée et les territoires arméniens. À ce titre, l’Arménie, la diaspora, la Turquie, mais aussi la place de ces crypto-Arméniens imposent de redéfinir des stratégies globales d’actions culturelles, sociétales et politiques.

En Turquie, les questions arméniennes ne s’inscrivent pas seulement dans l’histoire et la mémoire de ce pays.  Elles sont encore bien vivantes dans l’espace socio-culturel actuel. Il faut donc élaborer et adapter des projets spécifiques, aux contraintes des tensions, tout en créant de nouvelles formes d’expressions qui permettent de s’investir dans des domaines aussi variés que la culture, les droits humains, l’histoire, l’ethnologie, la généalogie, le tourisme, les identités…

Les crypto-Arméniens sont une chance inestimable pour pouvoir faire renaître l’identité arménienne en Turquie et en Arménie Occidentale. Non seulement, ils peuvent être les acteurs d’une renaissance arménienne sur ces territoires, mais ils sont aussi un formidable vecteur d’échange avec les sociétés turque et kurde. Une grande partie habite l’Arménie historique, jouxtant les frontières du Caucase. Ils peuvent à terme être aussi être une courroie de transmission socio-économique pour la République d’Arménie…

Éditorial de la newsletter de l’ONG Yerkir – Décembre 2022

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